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Le blog de Patrice Armusieaux
8 décembre 2019

L'environnement au cœur des Municipales de Sélestat pour 2020 ?

Que signifie le mot environnement en politique ?

Si, pendant longtemps, chez les géographes, le terme environnement a été employé comme synonyme de milieu géographique, il recouvre aujourd’hui le milieu physique, mais aussi un système de relations, un champ de forces physicochimiques, biotiques, en interaction avec la dynamique sociale, économique, spatiale. L’environnement en géographie est donc un construit social, véritable objet hybride.

Lionel Charles (société Fractal, Paris) s’attache à mettre en évidence le lien, mais aussi l’hétérogénéité radicale, qui caractérise la relation entre environnement et politique, à travers une analyse historique des soubassements et de l’émergence de la notion moderne d’environnement. Retraçant rapidement l’évolution de la pensée de la Renaissance à l’époque contemporaine, il situe l’apparition et l’agrégation des éléments constitutifs de l’environnement dans un contexte qui est aussi celui du développement politique du monde occidental : l’environnement en a progressivement envahi et transformé le cadre, mettant au jour de façon croissante la complexité des liens et le champ des possibles qui nourrissent le rapport au monde de sociétés animées par le développement scientifique-techno-économique ; celui-ci tend à faire de l’environnement une réalité centrale ayant quasi valeur de paradigme. En quatre siècles, « nous sommes passés d’un monde stable, inscrit dans le cadre de la pensée théologique de la Rédemption (le monde de la Renaissance), à un univers multiforme, soumis à des transformations de plus en plus rapides qui en modifient les dynamiques comme jamais auparavant ». Ce monde est sans doute aussi celui de l’environnement, avec, dès les années 1960, l’apparition d’un fort mouvement social faisant écho à des questionnements plus anciens sur les impacts des actions humaines et qui, dans l’immédiat après-guerre, se traduit par une institutionnalisation dans les grandes organisations internationales (FAO, ONU) avant de se diffuser à l’échelle mondiale. La période actuelle est davantage marquée par un changement d’échelle, de signification et de portée avec la montée en puissance des problèmes globaux d’environnement, qui conduit à des réponses institutionnelles d’envergure, mais difficilement compatibles avec notre mode de développement.

Cela amène finalement L. Charles à la question du lien entre environnement et politique. L’environnement remettrait en question le partage établi par Max Weber, sociologue allemand (1864-1920), entre « le savant et le politique » et placerait les questions du politique à l’intérieur même des différents champs d’intervention scientifique, technique et économique. De ce fait, le politique se trouve pris à contre-pied face à des réalités sur lesquelles il n’a plus prise, car elles se situent en dehors, à la fois au-delà et en-deçà, de ses registres et de ses champs d’intervention fondamentaux. En résulte une participation collective croissante à des processus de décision qui ne sont pas simplement à lire comme politiques, mais bien davantage dans leurs multiples dimensions opératoires : scientifiques, techniques, industrielles ou sociales.

Bertrand Zuindeau (maître de conférences à l’Université Lille 1) souligne que, malgré la présence de quelques précurseurs (Ricardo, Malthus), on peut noter un relatif désintérêt pour l’environnement chez les économistes classiques. L’économie des ressources naturelles débute véritablement avec les travaux de H. Hotelling (1931).tandis que ceux de A.C. Pigou (1920) marquent les prémisses de l’économie de l’environnement.

La loi de Hotelling affirme que sur la plupart des marchés, la concurrence conduit les producteurs à réduire la différence entre leurs produits. ... Le modèle de Hotelling est utilisé en économie industrielle, en théorie des jeux, et en économie géographique.

Les travaux de A.C. Pigou (1920) marquent les prémisses de l’économie de l’environnement.

Fondateur de l’économie du bien-être et l’un des premiers auteurs à avoir réfléchi à l’économie environnementale. Il est connu par ailleurs pour avoir donné son nom à la fameuse « taxe Pigou ». Pigou est le père de l’économie du bien-être. Ce champ de l’économie étudie les conditions dans lesquelles on peut assurer le maximum de satisfaction aux individus qui composent la société. En étudiant un certain nombre de situations non optimales (situations dans lesquelles on peut améliorer le bien-être d’un individu sans détériorer celui d’un autre individu), Pigou met en avant le rôle déterminant des externalités. Il est question d’externalités lorsque l’acte de consommation (ou de production) d’un agent influe positivement ou négativement sur la situation d’un autre agent, sans que cette relation fasse l’objet d’une compensation monétaire. Il peut alors s’agir d’externalités négatives (exemple : la pollution causée par une usine rejetant ses déchets dans une rivière, qui va affecter la situation des pêcheurs) ou d’externalités positives (exemple : si mon voisin est un bon jardinier et que j’aime les fleurs, à chaque fois que je passerai devant sa maison, je serai plus heureux). Le point commun des externalités est qu’elles ne sont pas prises en compte par le marché. Ainsi, en présence d’externalités, si chacun poursuit son seul intérêt, on obtiendra une situation sous-optimale : l’usine polluera trop et mon voisin ne mettra pas assez en valeur son jardin.

La taxe Pigou (ou taxe pigouvienne)

Alors qu’il réfléchit à un moyen de réduire la pollution à Londres, Pigou développe un mécanisme permettant d’intégrer les externalités au coût des activités. Le principal effet des externalités est que le coût privé diffère du coût pour la société. Par exemple, quand une usine pollue, son coût (dit privé) est plus faible que le coût social, puisqu’elle n’intègre pas la pollution qu’elle génère dans ses coûts. Raisonnant uniquement sur le coût privé (qui est faible), elle va produire plus que si elle prenait en compte le coût social (qui intègre le coût de traitement des déchets). L’externalité négative va donc engendrer une surproduction. Pigou propose de mettre en place une taxe du montant de l’externalité, afin que le coût social soit le coût effectif pour la firme. La mise en place d’une telle taxe devrait ainsi réduire les effets négatifs. A titre d’exemple, un raisonnement du même type a été appliqué dans le cadre de la taxe carbone : en taxant les pollueurs, on s’attend à ce que ces derniers réduisent leur pollution

Ce dernier va proposer la notion de coût externe, entendue comme effet négatif de certaines activités sur le bien-être des individus. L’approche dite « pigouvienne » va ainsi permettre une analyse des pollutions comme fondement de l’économie de l’environnement. B. Zuindeau distingue alors trois positions au regard de l’environnement : « pré pigouvienne », « pigouvienne » et « post-pigouvienne ».

La position pré-pigouvienne est un comportement économique très répandu, qui consiste à négliger les effets négatifs de l’activité économique sur l’environnement et sur autrui ; la position pigouvienne tend à prendre en compte ces effets négatifs et cherche à identifier des moyens pour y remédier, la prise en compte s’effectue ici via une monétarisation de ces effets, qui induit cependant quelques difficultés (évaluation, modalités d’internalisation) ; la position post-pigouvienne « se renforce avec l’apparition de formes de pollution plus complexes » qui rendent difficile toute tentative de monétarisation. Cette dernière position est notamment celle de l’économie écologique, qui préfère le recours à des normes écologiques socialement construites plutôt qu’à la monétarisation systématique. Concernant les moyens préconisés, l’accent est plutôt mis sur les politiques réglementaires. Dans cette optique, l’objectif n’est plus seulement déterminé par des considérations économiques ; s’y ajoutent des considérations écologiques, sociales et politiques, invitant clairement à l’interdisciplinarité.

En définitive, selon B. Zuindeau, le rôle de l’économiste doit être relativisé : ce dernier n’a pas l’apanage de la définition des normes. Il aura à focaliser son attention sur la question des moyens nécessaires pour atteindre les normes et les objectifs qui auront été définis suivant de multiples considérations.

Une table ronde animée par Valérie Morel et Olivier Petit a ensuite réuni les trois intervenants et Pierre-Jean Baralle, juriste à l’Université d’Artois. V. Morel interroge d’abord les participants sur les pratiques de recherche : comment construire une réflexion sur l’environnement qui permette un décloisonnement et des échanges entre disciplines ? Selon L. Charles, la recherche sur l’environnement requiert un effort d’acculturation scientifique, les problèmes venant souvent du non-recouvrement des logiques disciplinaires. Cependant, Y. Veyret estime que le décloisonnement est possible via certains thèmes, comme les risques, et B. Zuindeau rappelle que les recherches interdisciplinaires en SHS sur l’environnement dans le Nord-Pas-de-Calais ont été encouragées par le conseil régional. Le réseau Développement durable et Territoires fragiles atteste du dynamisme des recherches interdisciplinaires en la matière. Les intervenants soulignent unanimement la difficulté de « l’interdisciplinarité au quotidien », notamment suite au double langage parfois tenu par les institutions et au manque de reconnaissance institutionnelle des travaux.

S’agissant de l’enseignement, O. Petit précise que l’Université d’Artois la favorise expressément. Y. Veyret, qui participe au Conseil national des programmes, remarque que plusieurs expériences vont en ce sens dans l’enseignement secondaire, mais qu’elles sont aujourd’hui menacées. B. Zuindeau indique que l’interdisciplinarité est présente dans les formations en environnement dispensées dans le Nord-Pas-de-Calais, mais qu’il reste primordial d’offrir des éléments de formation en environnement dans les formations générales. P.-J. Baralle rappelle que les formations nécessitent une habilitation ministérielle et donc un rattachement disciplinaire explicite, ce qui nuit fortement à l’interdisciplinarité.

Le séminaire est clos par les directeurs des deux laboratoires organisateurs. Stéphane Callens (économiste, professeur à l’Université d’Artois) considère que les recherches en environnement en France doivent beaucoup aux universités, qui ont poursuivi leurs efforts en la matière à une période où les autres structures de recherche les avaient délaissées. Jean-Pierre Renard (géographe, professeur à l’Université d’Artois) estimeque l’effort de réflexion doit être poursuivi au sein de l’Université d’Artois entre les différentes disciplines, mais aussi en lien avec les autres universités à l’instar des opérations interdisciplinaires en environnement réalisées au sein de l’IFRESI (Institut fédératif de recherche sur les économie et les sociétés industrielles). Sur le volet formation, il souligne enfin la nécessité de renforcer le dialogue entre disciplines dans l’enseignement secondaire.

Un compte rendu plus exhaustif de ce séminaire est disponible dans la rubrique « Points de vue » de la revue Développement durable et Territoires (http://developpementdurable.revues.org). Dans le prolongement de ces débats, une journée d’études ayant pour thème « Environnement et interdisciplinarité : enjeux, démarches et retours d’expériences » a été organisée le 16 mars 2006 à l’Université d’Artois. Les actes de ces deux manifestations seront réunis dans un ouvrage collectif édité en 2007.

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