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Le blog de Patrice Armusieaux
1 décembre 2019

L’énigme de la consommation écologique ?

Le malthusianisme économique qui domine actuellement profite de la confusion sémantique générée par deux définitions différentes de la consommation. En termes environnementaux, la consommation désigne l’utilisation des ressources naturelles et physiques. On y fait parfois référence en parlant du débit d’énergie et de matériaux à la sortie du robinet des ressources naturelles et à destination de l’évier de l’environnement (les potentiels déversements de déchets dans l’air, dans les sols et dans les mers). Le terme renvoie donc à toute activité économique. Par exemple, les sociologues de l’environnement Thomas Princen, Michael Maniates et Ken Conca affirment que « tous les décideurs de la chaîne qui va de l’extraction à l’usage final sont des consommateurs ». Il est donc possible « d’interpréter [toute] activité économique comme un acte de consommation». Donc, « les producteurs sont des consommateurs ; la production est une consommation".

En économie, au contraire, la consommation n’est qu’une partie de la demande globale (la partie constituée par les achats des consommateurs). Dans une économie nationale donnée (en faisant abstraction des exportations et des importations), la demande totale correspond à la somme de la consommation, de l’investissement et des dépenses publiques. On peut considérer ces dernières comme le résultat de la consommation et des investissements publics. Dans son expression la plus simple, le revenu est la somme de la consommation et des investissements. D’un point de vue économique, la consommation n’est donc que la demande des consommateurs bien distinguée de la demande des investisseurs.

 

Vu de l’autre côté de la comptabilité nationale, c’est-à-dire du côté du résultat ou de la production, la consommation est égale à la production des biens de consommation par opposition au résultat du secteur des biens d’équipement. Les biens de consommation ne représentent donc qu’une partie du résultat total ou de la production.

En effet, si l’on approfondit encore ce point de vue économique, des distinctions matérielles et temporelles plus importantes encore peuvent être faites entre production et consommation. La production est la transformation de la nature par le travail humain. Pour être consommé, un bien doit d’abord être produit. Les biens d’équipement, par opposition aux biens de consommation, sont spécialement orientés vers l’expansion de cette capacité à produire et donc vers la croissance économique. Une économie stationnaire, ou un système de « simple reproduction » sans croissance, comme l’ont appelé Karl Marx et Michal Kalecki, est essentiellement un système dans lequel tout est consommé et rien n’est investi.

En ignorant la différence entre ces deux approches de la consommation, il devient facile d’insinuer que le problème de la consommation des ressources naturelles doit être imputé aux seuls consommateurs. Or, négliger ainsi l’impact des investisseurs sur l’environnement, c’est exclure la force motrice de l’économie capitaliste. En toute logique, la dépense des investisseurs participe tout autant du débit environnemental général que la dépense des consommateurs. Perdre de vue l’investissement dans l’équation environnementale, c’est sous-estimer le rôle de la production, des profits et de l’accumulation du capital.

La confusion générée par le mauvais usage qui est fait de ces deux définitions de la consommation dans le discours écologiste est manifeste dans l’idée erronée selon laquelle on pourrait protéger l’environnement non pas par l’absence de consommation mais par l’épargne. Pourtant, dans une économie capitaliste digne de ce nom, l’épargne est redirigée vers l’investissement ou la création de nouveaux capitaux pour stimuler l’expansion de l’économie tout entière. Or, c’est cette expansion qui est le premier ennemi de l’environnement.

Une autre erreur qui résulte de ces deux conceptions de la consommation consiste à assimiler fréquemment l’ensemble des déchets d’une société aux déchets produits par la consommation directe des ménages, autrement dit aux ordures ménagères. Bien trop souvent, les ordures sont considérées comme un problème essentiellement associé à la consommation directe des consommateurs. Pourtant, aux États-Unis, on estime que les déchets municipaux solides ne représentent que 2,5 % de l’ensemble des déchets produits, ensemble qui comprend aussi : 1) les déchets industriels, 2) les déchets du secteur du bâtiment (construction et démolition), et 3) les déchets bien particuliers produits par l’activité minière, la production de carburants et le traitement des métaux. Les autres 97,5 % de déchets solides, hors des ménages, sont invisibles aux yeux de la plupart des individus qui, en tant que consommateurs, ne participent directement ni à leur production ni à leur traitement . Comme l’ont fait observer Derrick Jensen et Aric McBay : « Si l’on rapporte la quantité de déchets municipaux à la population, on obtient une moyenne de 750 kg produits par personne et par an. Mais si l’on intègre à ce calcul les déchets industriels, la production de déchets par habitant grimpe jusqu’à 16,4 tonnes. » Si un individu parvenait à réduire de 100 % la production de déchets de son foyer, sa part par habitant dans la production totale de déchets serait quasiment inchangée.

Les économistes orthodoxes ou néoclassiques postulent généralement l’existence dans la société moderne d’une « souveraineté du consommateur », ou bien l’idée selon laquelle toutes les décisions économiques sont gouvernées par la demande des consommateurs, qui sont donc tenus pour responsables de l’orientation générale de l’économie. Dans cette perspective, toutes les étapes de l’activité économique sont donc tout simplement orientées vers la consommation finale, qui détermine l’ensemble du processus. Toutefois, il existe une longue et puissante tradition critique chez les économistes hétérodoxes (Karl Marx, Thorstein Veblen, John Kenneth Glabraith, Paul Baran, Paul Sweezy) contre la thèse de la souveraineté du consommateur. « Le consommateur » a écrit Marx dans la seconde moitié du xixe siècle, « n’est pas plus libre que le producteur [le travailleur]. Son jugement dépend de ses moyens et de ses besoins. Ces deux éléments sont déterminés par sa position sociale, qui elle-même dépend de l’organisation sociale dans son ensemble. […] Le plus souvent, les besoins découlent directement de la production ou d’un état de fait fondé sur la production. Le commerce mondial ne tourne presque qu’autour des besoins, non pas de la consommation des individus, mais de celle de la production . » Galbraith appelait cela « l’effet de dépendance » selon lequel « les besoins dépendent du processus [de production] qui permet de les satisfaire  ». Contre l’axiome de la « souveraineté du consommateur », Galbraith mettait en avant la « souveraineté du producteur », exercée par les entreprises dominant à la fois la production et la consommation .

Comment une telle culture de consommation a-t-elle émergé et comment pouvons-nous comprendre l’histoire du développement économique en ces termes ? Assadourian nous propose un court exposé de l’évolution historique des cinq derniers siècles :

Dès les années 1600, des changements sociaux en Europe ont commencé à jeter les bases nécessaires à l’émergence du consumérisme. L’augmentation du nombre d’habitants et une stabilisation des terres, combinées à l’affaiblissement des sources traditionnelles d’autorité telles que l’Église et les structures sociales communautaires, ont fait que l’ascension sociale habituelle d’un jeune individu (par l’héritage du lopin de terre familial ou par la reprise progressive des affaires de son père) n’allait plus de soi. Les individus cherchaient de nouvelles stratégies identitaires et de nouveaux moyens d’accomplissement personnel, et l’acquisition et l’usage de biens sont devenus des substituts répandus.
Pendant ce temps, les entrepreneurs s’empressaient de profiter de ces changements pour stimuler l’achat de leurs nouveaux produits, en mobilisant de nouvelles formes de publicité et les recommandations de personnalités importantes, en intégrant des vitrines dans les boutiques, en pratiquant la vente à perte (sur un produit populaire pour attirer les clients dans une boutique), en inventant des facilités de paiement, et même en menant des études de consommation ou en créant de nouvelles modes. Par exemple, un manufacturier du xviiie siècle, Josiah Wedgwood, disposait de vendeurs qui devaient faire la promotion de leurs nouveaux modèles de poteries. […]
Au fil du temps, l’orientation consumériste était intégrée par une part toujours plus importante de la population (avec l’appui continu des marchands et des commerçants) redéfinissant ce qui était considéré naturel. L’univers des « besoins primaires » s’est étendu, si bien qu’à l’époque de la Révolution française, les travailleurs parisiens exigeaient des bougies, du café, du savon et du sucre en disant qu’il s’agissait là de « biens de première nécessité », même si ces produits, à l’exception des bougies, étaient des produits de luxe cent ans auparavant.
Au début des années 1900, une tendance consumériste commençait à pénétrer les institutions sociales dominantes de nombreuses cultures […]. Et au cours de la seconde moitié du siècle, des innovations comme la télévision, les techniques publicitaires sophistiquées, les entreprises multinationales, les franchises et l’internet ont aidé ces institutions à diffuser le consumérisme à travers la planète .

Même si ce n’est là qu’une brève esquisse du développement de la production capitaliste moderne et de l’économie mondiale, cette vision des choses ne nous semble pas satisfaisante. Le basculement d’un mode de production à l’autre y est complètement absent et à la place, on se contente de nous dire qu’au xviie siècle les « jeunes gens » qui poursuivaient leur « ascension sociale » abandonnaient la terre et le système des corporations urbaines, en faveur de pratiques consuméristes « d’acquisition et d’usage de biens » comme « nouvelles stratégies identitaires et nouveaux moyens d’accomplissement personnel ». Nulle part il n’est fait mention de la dynamique des classes, des enclosures, des lois insatisfaisantes, de la révolution industrielle, de la machine à vapeur, du nouveau travail en manufacture, du capitalisme, de la production des marchandises, du colonialisme, du marché mondial, etc. Le rôle exceptionnel qu’a joué le manufacturier de poteries Wedgwood, qui a utilisé au xviiie siècle les techniques publicitaires naissantes pour toucher sa clientèle aristocratique et de classe moyenne, est considéré comme une illustration parfaite du nouveau système, tandis que Watt et sa machine à vapeur brillent par leur absence.

Cette vision anhistorique du développement économique est reproduite dans le cadre analytique omniprésent dans le rapport de 2010 du Worldwatch Institue. Malgré la prétention du rapport à décrire la naissance du consumérisme au cours des cinq derniers siècles, les termes suivants n’apparaissent pas dans l’index de la revue : économie, classe, féodalisme, capitalisme, marchandise, production, prolétariat (classe ouvrière), bourgeoisie (classe capitaliste), capital, entreprises, accumulation, investissement, épargne, surplus, profit, salaires, colonialisme, esclavage, impérialisme, crédit, dette et finance. On est amené à croire que la croissance de la consommation peut être interprétée en faisant totalement abstraction de ces concepts historiques et de ces développements économiques.

La manière dont Assadourian analyse l’histoire est centrée sans surprise sur les élites, et tout particulièrement sur le rôle des « pionniers culturels » dans le changement des paradigmes culturels dont les relations économiques (ou de marché) sont dérivées. Par conséquent, de son point de vue, un pionnier culturel comme Wedgwood (un entrepreneur) a été en mesure d’aider à lancer notre culture de la consommation actuelle, et donc de nouveaux « réseaux de pionniers culturels » (supposés eux aussi être des entrepreneurs) pourraient réorienter cette culture de la consommation du futur vers une consommation durable .

Bien sûr, cette analyse laisse place à l’action individuelle qui peut se décliner en toute une série d’actes de simplicité volontaire (l’équivalent moral de l’idée de « restriction morale » de la procréation dans le malthusianisme de la première heure Mais l’intérêt est surtout porté sur l’élite du monde des affaires qui est assimilée à un groupe de pionniers culturels. Assadourian consacre énormément de place à déterminer la façon dont le marketing commercial et les médias ont soufflé sur les braises du consumérisme aux États-Unis, et ce alors qu’il ne perçoit pas la corrélation avec l’émergence historique du capital monopolistique, c’est-à-dire de l’économie des multinationales. En réalisant la transition du « paradigme de consommation » vers un « paradigme de durabilité », il défend l’idée que le marketing privé, qui incite à une consommation excessive en profitant de l’avidité naturelle des consommateurs, pourrait être aujourd’hui remplacé par un marketing social qui mènerait ces derniers à une consommation durable par l’écologisation de leurs désirs. En même temps, il se voile la face en proposant que les entreprises vont s’éloigner de l’idée selon laquelle le profit est leur principal, voire leur seul objectif. En effet, il imagine qu’« un système économique durable nécessite de convaincre les entreprises qu’adopter des pratiques durables est leur principale responsabilité fiduciaire 

Citée par le rapport du Worldwatch Institute, Wal-Mart est le principal exemple d’une entreprise censée passer d’une attention exclusivement portée sur les profits à un modèle d’action économique durable en tant que « première responsabilité fiduciaire ». Un chapitre de ce même ouvrage rédigé par Ray Anderson et ses associés, le premier étant président d’Interface Corporation (société qui produit des moquettes modulaires et qui est parfois considérée comme un leader de l’économie verte), est consacré au travail que la société a effectué en collaboration avec Wal-Mart en promouvant des pratiques durables. Anderson voit Lee Scott, le P.-D.G. de Wal-Mart, et Wal-Mart en général comme des pionniers culturels. Scott est cité pour son engagement en octobre 2005 à atteindre « 100 % d’énergie renouvelable, pour générer zéro déchet » (en admettant en même temps qu’il n’avait aucune idée de la façon dont Wal-Mart accomplirait ses objectifs). Cet engagement, nous dit Anderson, a été suivi par un stade préliminaire au cours duquel Wal-Mart a rencontré tous ses réseaux et fournisseurs pour chercher ce qui pourrait être fait pour devenir plus durable. On dit que Wal-Mart a aujourd’hui connu une « métamorphose », réémergeant comme une entreprise verte sur la « route de la durabilité » – introduisant ses valeurs écologiques dans la vie privée de ses 1,8 million d’employés, à qui l’on apprend à être des consommateurs plus durables : recycler et manger des plats plus sains.

Un autre article de State of the World 2010, écrit par Michael Maniates, s’intéresse au choice editing des entreprises (éliminer les décisions indésirables des consommateurs en contrôlant l’offre). À cet égard, Maniates félicite Wal-Mart pour sa décision de ne vendre que du poisson sauvage, frais ou congelé, qui a reçu le label du Marine Stewardship Council.

Pourtant, cette insistance sur Wal-Mart en tant que symbole du commerce durable et promoteur exemplaire de la consommation rable pourrait difficilement être plus absurde. Wal-Mart est le plus grand distributeur du monde, représentant 10 % des ventes au détail aux États-Unis, avec plus de 2 700 grandes surfaces rien que sur le sol américain, chacune mesurant quelque 70 000 m² et occupant près de 8 hectares (en prenant en compte les parkings). Son principal engagement environnemental concret, annoncé en 2005, était d’augmenter l’efficience énergétique de 20 % d’ici 2013. Cela aurait a priori eu pour résultat de réduire les émissions de carbone associées à ses magasins à 2,5 millions de tonnes en 2013. Pourtant, en y regardant de plus prêt, tout cela s’est révélé être une affaire d’écoblanchiment, puisque Wal-Mart a continué d’étendre ses opérations aux États-Unis et à l’étranger. Le total de ses émissions de gaz à effet de serre, selon ses propres comptes, a augmenté de 9 % en 2006. On estimait que les nouveaux magasins construits aux États-Unis en 2007 allaient consommer assez d’électricité pour ajouter un million de tonnes aux émissions totales de gaz à effet de serre de l’entreprise, annulant largement tous gains énergétiques obtenus par ailleurs. Comme l’affirme l’écrivain écologiste Wes Jackson, « lorsque les Wal-Mart du monde entier affirment qu’ils vont utiliser des ampoules différentes et que leurs camions vont consommer deux fois moins de carburant, que vont-ils faire de ces gains ? Ils vont tout simplement ouvrir un nouveau magasin autre part. C’est n’importe quoi";

Le Marine Stewardship Council, le label écologique de pêche adopté par Wal-Mart, a, selon l’organisation Food and Water Watch, labellisé de nombreuses pêches aux pratiques écologiques assez douteuses ; il est d’ailleurs peu probable que le poisson puisse être pêché de façon durable lorsque l’on prend en compte la forte demande de Wal-Mart. Wal-Mart reçoit des amendes pour violation des lois environnementales liées aux déchets dans de nombreux États américains. Même si elle avait annoncé qu’elle allait éliminer les sacs en plastique non biodégradables dans ses magasins, utiliser des ampoules plus économes et promouvoir une plus grande efficience dans le transport, l’entreprise demeure connue pour son exploitation extrême des travailleurs et sa position virulente contre le syndicalisme. Finalement, Wal-Mart est un géant économique, rien de plus qu’un représentant d’un nouvel ordre économique durable.

Les implications du malthusianisme économique actuel ne sont jamais plus apparentes que dans son traitement parcellaire de la question de classe. On peut le voir dans la façon dont Assadourian compare la consommation en Inde et aux États-Unis. Il prend les 1 % les plus riches de la population indienne et compare leurs émissions de dioxyde de carbone aux émissions moyennes de tous les Américains, qui sont cinq fois plus importantes. Ce rapport entre émissions et consommation par habitant renvoie au mode de vie américain . Pourtant, cette comparaison ne prend pas en compte l’existence de différences de classe importantes en termes de richesse, de revenu, de consommation et d’émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis (et dans d’autres économies riches), puisque ces données par habitant sont simplement une moyenne statistique de niveaux de classe largement différents et ainsi largement déformants. Une approche similaire fut présentée par Durning dans le rapport du Worldwatch Institute. Il divise le monde entier en trois classes générales (basées sur le revenu par habitant dans différents pays) : les consommateurs, les revenus moyens et les pauvres. Pour Durning, tous les individus des pays riches (ou au moins ceux qui sont au-dessus du seuil de pauvreté) appartiennent de façon égale à la classe des « consommateurs » qui engloutit les ressources de la planète. Même s’il remarque brièvement que les 20 % les plus riches en termes de revenus aux États-Unis gagnent plus que les 80 % restants, cette idée est par la suite oubliée, puisque l’accent est porté sur une appartenance commune à la « classe des consommateurs ».

La réalité est que plus la classe et le revenu sont élevés, plus l’empreinte écologique est importante. En 2008, aux États-Unis, les 2 % les plus riches ont dépensé trois à quatre fois plus en logement et en vêtements, et cinq fois plus en transport, que les 20 % les plus pauvres. Au Canada, où les données sur la consommation sont disponibles en déciles, les analystes de l’empreinte écologique ont remarqué que le plus haut décile a une empreinte de transport neuf fois supérieure au décile le plus bas, et l’empreinte de consommation est quatre fois supérieure (de telles statistiques sont invariablement déformées par la sous-représentation des riches dans les échantillons statistiques).

En effet, la réalité de classe aux États-Unis et les différences dans l’impact environnemental qui en résultent sont bien plus saisissantes que ce que les chiffres de consommation officiels ne suggèrent. Une petite fraction de la population (environ 10 %) possède 90 % des biens financiers et immobiliers (et, de fait, les bien productifs) du pays, et le reste de la société se contente de se louer aux propriétaires. Les 400 individus les plus riches aux États-Unis (les fameux 400 de Forbes) possèdent un niveau combiné de richesse plus ou moins égal à celui de la moitié pauvre de la population, soit 150 millions de personnes. En 2000, les 1 % les plus riches des foyers américains avaient grossièrement la même part (20 %) du revenu national américain que les 60 % les plus pauvres. De tels faits mènent un groupe de chercheurs et de conseillers en investissements appartenant à Citigroup à représenter les États-Unis comme une « ploutocratie », une société dirigée en tout point par les riches. De ce point de vue, le « consommateur moyen » est une entité sans valeur, puisque la consommation est de plus en plus dominée par celle des riches, qui déterminent aussi les décisions de production et d’investissement .

Une perspective de classe aussi réaliste (même venant de l’autorité financière elle-même) est cependant un anathème pour l’environnementalisme élitiste actuel. En développant la notion de « consommation durable », les théoriciens de la modernisation écologique comme Gert Spaargaren évitent systématiquement la notion de « relations de production » (relations de classe) et choisissent à la place de parler en termes systémiques d’« approvisionnement » et de relation « entre les fournisseurs [entrepreneurs écologistes] et les consommateurs citoyens ». L’objectif évident est ainsi de réifier les questions fondamentales, en enlevant toutes dimensions d’historicité et de pouvoir.

 

 

 

 

 

 

 

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